Dans un arrêt du 12 juillet 2016, la Cour de cassation a confirmé la décision de la Cour d’appel de Metz qui avait reconnu la responsabilité d’une société et d’un gérant pour méconnaissance des règles relatives à la sécurité au travail et blessures involontaires contraventionnelles. La société et son gérant ont été condamnés à des peines d’amendes se montant à 28 500 € pour la société et à 23 000 € pour le gérant.
Quels étaient les faits reprochés ?
- Ne pas avoir mis en place des règles d’aération et de ventilation nécessaires à un local à pollution spécifique, et la non réalisation d’une évaluation du risque d’exposition à des agents chimiques dangereux,
- Ne pas avoir suffisamment formé et informé ses collaborateurs sur les risques des produits chimiques manipulés,
- Ne pas s’être assuré de la mise à disposition des équipements de protection individuelle (EPI) adaptés.
Les salariés avaient été victimes de malaises provocants dans quelques cas une incapacité courte de travail dans un atelier de fabrication de filtres pour cigarette électronique.
L’inspection du travail, lors de son intervention, avait relevé plusieurs manquements aux règles de sécurité au travail. Ces constats de l’inspection du travail ont été ensuite repris par les juges pour établir la responsabilité de l’entreprise et du gérant.
Quels étaient le principal grief du contrôleur du travail ?
Le risque lié à la nicotine ne faisait l’objet d’aucune évaluation dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUER). De ce fait, l’employeur avait mal évalué les risques chimiques liés à la manipulation de cet agent chimique dangereux (classée dans les substances dangereuses sous la classe de risque H301 (R 25), toxique en cas d’injection et H310 (R 27), Mortel par contact cutané.
Pourtant, l’employeur est tenu de procéder à l’évaluation des risques chimiques pour toute activité susceptible de présenter un risque d’exposition à des agents chimiques dangereux. Les résultats de cette évaluation doivent être reportés dans le DUER.
De son côté, le gérant de la société estimait que la cour d’appel ne pouvait se fonder sur le procès-verbal établi par l’inspection du travail car celui-ci ne reposait que sur une interprétation du DUER.
La température des locaux de travail, y compris le laboratoire dans lequel étaient occupées les salariées victimes (soit 25 personnes), était trop élevé et ce bien que le chauffage ait été coupé. Un simple ventilateur palliait à l’absence de dispositif d’aération.
Aucun dispositif de confinement des déchets souillés.
Quels enseignements peut-on tirer de ce jugement ?
- L’importance d’un DUER bien réalisé.
Dans cette affaire, la Cour de cassation a estimé que : « le procès-verbal établi par le contrôleur du travail fait foi jusqu’à preuve contraire de ce que son auteur avait vu, entendu et donc personnellement constaté ». Le DUER attestait bien de la non prise en compte du risque par l’entreprise.
En outre, une réalisation méthodique et exhaustive du DUER aurait permis l’évaluation du risque et son traitement.
Notons que dans des cas de TPE/PME qui évoluent dans des environnements spécifiques, il peut être judicieux de missionner un préventeur, ou d’utiliser un logiciel d’évaluation qui permettent de fiabiliser le processus de gestion des risques professionnels.
- Ne pas négliger la possession au sein de l’entreprise des fiches de données de sécurité (FDS).
Dans ce dossier, la fiche de données de sécurité (FDS) relative à la nicotine était en anglais et non traduite.
- La simple mise à disposition des EPI ne suffit pas, il faut que les salariés les utilisent.
Les salariées ne portaient pas d’EPI au moment des faits les protégeant des risques d’inhalation des substances. Des EPI avaient pourtant été mis à leur disposition par l’employeur. La société et son gérant se sont ainsi mis en infraction de l’article R. 4412-16 du Code du travail prévoyant en dernier recours l’utilisation d’EPI pour protéger les salariés contre les risques chimiques liés aux produits.