71 % des employeurs disent avoir des difficultés de recrutement, selon les chiffres de la Dares. Quand on regarde dans le détail, les entreprises qui peinent à recruter sont celles dans lesquelles les conditions de travail sont jugées mauvaises par leurs dirigeants. Ces derniers imputent pour autant surtout leurs difficultés à une pénurie de main d’œuvre.
Quand elles font état de conditions de travail difficiles, les entreprises constatent aussi des difficultés de recrutement. Elles sont 71 % à en avoir déclaré à la Dares, qui publie une note d’analyse, le 22 juin 2022, à partir des chiffres de l’enquête Conditions de travail 2019. 85 % des employeurs qui signalent que leurs salariés sont exposés à des conditions de travail difficiles ont du mal à recruter.
La Dares met en évidence des contraintes physiques et temporelles, ainsi que des risques psychosociaux. Les horaires imprévisibles ainsi que le « travail empêché », c’est-à-dire l’impossibilité de fournir un travail de bonne qualité, sont les deux critères les plus associés aux difficultés de recrutement. Viennent ensuite le travail dans l’urgence, le travail de nuit et la pénibilité physique (port de charge lourde, bruit, contact avec des agents chimiques dangereux etc.)
« C’est la première fois qu’on compare directement les difficultés de recrutement ressenties par les employeurs et les conditions de travail qu’ils décrivent eux-mêmes pour les salariés », commente Thomas Coutrot, économiste et chef du département « conditions de travail et santé » à la Dares.Les employés et ouvriers sont les plus exposés
Les secteurs de l’industrie et de la construction sont les plus touchés par les difficultés à recruter, mais ce sont les employeurs de l’agro-alimentaire, de l’hôtellerie-restauration, des transports et ceux des établissements privés de santé et de l’action sociale qui mentionnent le plus des « conditions de travail jugées difficiles ».
Si l’on regarde dans le détail, les entreprises qui emploient une majorité de cadres ne mentionnent quasiment pas les conditions de travail, contrairement aux établissements avec une majorité d’employés ou d’ouvriers en leur sein.
Les employeurs mentionnent pour autant très majoritairement la pénurie de main d’œuvre pour expliquer leurs difficultés de recrutement. Viennent ensuite les conditions de travail donc, puis le salaire. Seuls le secteur « santé-social » met les trois facteurs sur le même niveau.
Thomas Coutrot ajoute que parmi les employeurs qui n’ont cité que la pénurie de main d’œuvre pour expliquer leurs difficultés à recruter, nombreux sont ceux qui ont tout de même rendu compte de « mauvaises conditions de travail », laissant penser que cet aspect avait aussi un impact dans leurs recrutements. Les risques psychosociaux affectent la fidélisation
Elles affectent aussi la fidélisation, puisque parmi les établissements qui ont des contraintes physiques « très fortes », 35 % indiquent avoir des difficultés de fidélisation. Le chiffre monte à 39 % s’agissant des risques psychosociaux.

Ce graphique, issu de la note d’analyse, montre que plus les contraintes physiques et les risques psychosociaux sont fort, plus les employeurs ont du mal à fidéliser. |
Ces difficultés de recrutement et de fidélisation sont « classiques » dans un contexte de « haute conjoncture, avec un marché du travail plus tendu et un chômage plus faible », note l’économiste de la Dares.
Il précise tout de même que dans les années 2000, dans un contexte similaire, les salariés n’avaient pas les mêmes critères, les mêmes attentes. « Les conditions de travail difficiles sont moins bien acceptées sans doute », conclut-il.Les employeurs ont conscience de la question du sens
Nous évoquions précédemment la question du « travail empêché », l’un des facteurs les plus importants pour expliquer des difficultés de recrutement. C’est là que la question du sens du travail se pose, quand survient l’impossibilité de bien faire son travail.
Sur cette question, salariés et employeurs se rejoignent. Les premiers soulignent l’importance de mettre du sens dans leurs missions, ce dont les seconds ont conscience. « C’est inattendu, commente le statisticien, nous n’avions pas tellement d’indices que les employeurs y étaient sensibles. » D’habitude, la Dares observe une cohérence dans les réponses des uns et des autres quand les critères sont « faciles à objectiver ».
France Stratégie souligne dans une étude publiée le 21 juin et intitulée « Comment expliquer les difficultés de recrutement anticipées par les entreprises ? » que ces dernières découlent pour 14 % de « variables observables qui permettent de qualifier l’entreprise et le type d’emploi à pourvoir ». Parmi ces critères observables, on trouve notamment la taille, le secteur, le chiffre d’affaires et la localisation de l’entreprise, mais aussi les qualifications recherchées pour le poste.Par conséquent, d’autres facteurs non-observés jouent également sur ces difficultés de recrutement anticipées (et non pas constatées). Les « conditions propres à l’entreprise » et les critères liés à sa réputation sont les éléments que France Stratégie considère, dans son étude, comme « non observables ». Il s’agit par exemple de la qualité du management et des conditions de travail.France Stratégie conseille ainsi d’apporter des réponses ciblées pour chaque établissement qui anticiperait des difficultés de recrutement. |
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Marie Sénéchal
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