Dans une récente synthèse, Santé publique France fait le point des conséquences de l’épidémie de Covid-19 sur les travailleurs. Pour cela, l’Agence s’appuie sur trois études complémentaires qu’elle a mené depuis 2020 sur le sujet.
L’épidémie de Covid-19, associée aux modifications des conditions de travail (télétravail, chômage partiel, mesures sanitaires, etc.), a eu des impacts sur les comportements, la santé mentale, les addictions et les troubles du sommeil au sein de la population des actifs occupés, aussi appelés les « travailleurs ».
30,5 % des travailleurs déclaraient des symptômes d’anxiété en début de confinement
La première enquête « Coviprev », menée par Santé publique France tout au long de l’année 2020, a permis d’étudier l’évolution, au sein de la population générale, de plusieurs indicateurs de santé des travailleurs, dont des indicateurs sur la santé mentale, la qualité du sommeil et la satisfaction concernant la vie actuelle et future
Il en ressort que 30,5 % des travailleurs déclaraient des symptômes d’anxiété en début de confinement (mars 2020), contre seulement 15,9 % fin juin 2020. A propos des symptômes dépressifs, un actif sur cinq (20 %) se disait touché en début des deux périodes de confinement (mars 2020 et novembre 2020).
Pour ce qui est des troubles du sommeil, ils touchaient les deux tiers (66 %) des travailleurs avec une fréquence plus importante à souligner chez les femmes que chez les hommes.
La charge de travail et l’isolement ont eu des impacts sur les addictions
Santé publique France et ses partenaires ont également déployé une enquête sur « l’évolution des conditions de travail et consommation de substances psychoactives en période d’épidémie » auprès des salariés français. Ont ainsi pu être étudiées, les consommations d’alcool et de tabac durant le premier confinement allant de mars à mai 2020.
On constate que 30 % des personnes interrogées déclaraient avoir augmenté leur consommation de tabac contre 14 % pour l’alcool. Au contraire, 17 % des répondants affirmaient avoir diminué leur consommation de tabac et 18 % celle d’alcool durant le confinement.
Là aussi, une variabilité existe entre les hommes et les femmes. En effet, chez les hommes, l’augmentation de la consommation de tabac pendant le confinement était associée à une augmentation de la charge de travail alors qu’elle était associée à une diminution de la charge de travail habituelle pour les femmes. Pour l’alcool, une charge de travail moins importante que la charge de travail habituelle était associée à un risque plus élevé d’augmentation de sa consommation, uniquement chez les femmes.
Il faut aussi souligner que les personnes ayant ressenti un sentiment d’isolement par rapport à leurs collègues durant le confinement déclaraient, pour 41,3 %, avoir augmenté leur consommation de tabac, contre seulement 25,1 % parmi les personnes n’ayant pas ressenti ce sentiment d’isolement. Il en est de même pour l’alcool, les personnes qui déclaraient avoir ressenti un sentiment d’isolement par rapport à leurs collègues déclaraient plus fréquemment une modification de leur consommation, que ce soit à la hausse ou à la baisse.
L’articulation vie privée/vie professionnelle, les revenus, le télétravail ou encore le chômage partiel ont également eu des répercussions sur les consommations de tabac et d’alcool durant le confinement. |
Croissance des troubles du sommeil pour les travailleurs indépendants et ceux du monde agricole
Enfin, dans une troisième enquête nommée « Coset-Covid », Santé publique France a évalué « la prévalence de troubles anxio-dépressifs en sortie de confinement en juin 2020 ». L’objectif était aussi de « comprendre le rôle des changements observés dans la situation professionnelle et des facteurs organisationnels, chez les travailleurs indépendants et chez les travailleurs du monde agricole ».
A l’issue de cette étude, on note la croissance fréquente des troubles du sommeil tout au long du confinement pour les travailleurs indépendants et ceux du monde agricole. Pour preuve, les difficultés de sommeil se sont accentuées chez les indépendants non-agricoles lors de cette période pour plus d’un quart des hommes, et plus d’un tiers des femmes. Les indépendants non agricoles étaient le double par rapport aux exploitants agricoles non-salariés à avoir connu une dégradation de leur sommeil, alors que les salariés agricoles ayant des activités de bureau étaient souvent concernés.
Après le premier confinement, parmi les indépendants, 12 % des hommes et 18 % des femmes souffraient d’anxiété, et 10 % des hommes et 14 % des femmes présentaient un syndrome dépressif. Des variations existaient selon les groupes professionnels avec des résultats moins élevées chez les actifs agricoles : 8 % des hommes et 13 % des femmes étaient concernés par de l’anxiété, ainsi que 7 % des hommes et 11 % des femmes présentaient un syndrome dépressif. Chez les femmes, des prévalences d’anxiété plus élevées ont été observées chez les artisanes, commerçantes et dirigeantes comparativement aux professions libérales, et chez les salariées de bureau par rapport aux autres actives agricoles. Pour les hommes, les prévalences étaient similaires dans les groupes d’actifs agricoles. Chez les indépendants, des prévalences d’anxiété et/ou de dépression plus élevées ont été relevées dans certaines professions telle que peintres, maçons, garagistes chez les hommes, et restauratrices et esthéticiennes chez les femmes.
Pour ce qui concerne les addictions, une augmentation de la consommation de tabac a été relevée pour une partie des indépendants non-agricoles, mais était beaucoup plus rare chez les travailleurs du monde agricole. Concernant l’alcool, 16 % des indépendants non-agricoles ont augmenté leur consommation durant cette période. Au sein du régime agricole, seulement les salariés de bureau révèlent une telle fréquence d’augmentation de la consommation d’alcool.
Une nouvelle édition de l’étude « Coset-Covid » menée en 2022 permettra d’analyser l’évolution de ces indicateurs chez les travailleurs indépendants et ceux du monde agricole.
L’ensemble de ces trois études vise l’ouverture de réflexions notamment sur des thèmes tels que :
- l’organisation du travail en période de pandémie mais aussi en dehors ;
- la prévention primaire des troubles de santé mentale ;
- la lutte contre le stress au travail et le sentiment d’isolement, etc.
Laura Guégan