Intuitivement, il semble que l’exposition aux risques professionnels ait été déplacée chez les sous-traitants et prestataires. Qu’en est-il réellement ? Des chercheurs se sont penchés sur la question.
En 2018, la Dares a lancé et financé un appel à projets de recherche : « Face aux risques professionnels et aux atteintes à la santé, quelle prévention?, Post-enquêtes et exploitations secondaires des enquêtes CT-RPS 2016 et Sumer 2017 ». Dans ce cadre, plusieurs rapports d’études ont été publiés en août 2022. Un d’entre eux s’intéresse à l’analyse quantitative des risques professionnels et de leur prévention dans le travail en sous-traitance pour le secteur marchand.
Remarque : rappelons que l’enquête Conditions de Travail – Risques Psychosociaux (CT-RPS) 2016 contient deux volets, employeurs et salariés ce qui permet d’étudier les conditions de travail et les risques professionnels vécus par les salariés au regard de la diversité des pratiques des établissements en matière de prévention, en lien avec leur position dans les chaînes de sous-traitance. |
---|
Les questionnements des auteurs sont les suivants. « De nombreux travaux de terrain ont étayé l’hypothèse de la mise en sous‐traitance du travail pénible et dangereux mais peu d’études existent au niveau agrégé. Dans quelle mesure les conditions de travail et les risques professionnels auxquels sont confrontés les salariés dépendent de l’organisation du travail en sous‐traitance et des liens de dépendance économique dans lesquels sont inscrits leur établissement ? Est‐ce que les politiques de prévention des risques professionnels sont également dépendantes de l’inscription des établissements dans des rapports de dépendance, rendant d’autant plus fragile la protection des salariés les plus exposés ? »
Cette problématique est d’autant plus cruciale que le nombre de travailleurs impliqués est élevé. Ainsi, en 2016, 41,4% des établissements de 10 salariés et plus sont impliqués dans une relation de sous‐traitance en tant que preneur et/ou donneur d’ordres. La sous-traitance sur site concerne quant à elle 13,5% des établissements de 10 salariés ou plus (soit 28,5% des salariés).Des expositions différentes pour les salariés de sous-traitance et ceux des donneurs d’ordre
Les chercheurs ont établi plusieurs profils de salariés selon la position de leur établissement dans la chaîne de sous‐traitance :
- les salariés des sous-traitants sont plus exposés que ceux des donneurs d’ordre « aux risques physiques et au manque d’autonomie dans le travail, à une intensité du travail dont la source se situe dans des contraintes de rythme, à des problèmes d’insécurité et du travail solitaire, à des horaires pénibles » ;
- au contraire, les salariés de donneurs d’ordre sont plus exposés que ceux des prestataires à des facteurs de charge mentale, à des horaires de travail « débordants », au sentiment de faire du « sale boulot » et devant faire face à des exigences émotionnelles ;
- les salariés d’établissements à la fois sous-traitants et donneurs d’ordre sont davantage exposés aux accidents du travail et ils cumulent la quasi‐totalité des facteurs de risques professionnels (sauf les exigences émotionnelles et les conflits de valeur).
Ainsi, il apparaît que les risques physiques et les RPS (risques psychosociaux) associés à un travail d’exécution aient été externalisés vers les sous‐traitants. Le revers est une exposition plus importante des salariés des donneurs d’ordre à des facteurs de RPS liés à une organisation du travail qui les met sous pression.
À noter que les intérimaires sont largement surreprésentés parmi les accidentés du travail.Une prévention plus présente et maîtrisée uniquement pour la sous-traitance sur site
L’analyse du volet employeurs de l’enquête confirme que les établissements sous-traitants exposent davantage leurs salariés aux risques physiques relativement aux donneurs d’ordre. Mais, l’externalisation des risques ne s’accompagne pas d’un renforcement de la prévention chez les sous-traitants.
C’est seulement dans le cas où la sous-traitance a lieu sur site que la mise en place de mesures de prévention est plus probable. En effet, dans ce cas, les actions suivantes sont listées : plan de prévention, modification de l’organisation du travail ou des locaux et équipements, développement de la formation à la sécurité du personnel, etc.
Enfin, les chercheurs notent que les instances de représentation du personnel jouent un rôle positif et significatif sur la probabilité de mettre en place chacune de ces mesures de prévention.
Retrouvez tous nos articles sur les accidents du travail sur notre blog.