En cas de succession d’employeurs, le dernier employeur sur qui pèse la présomption peut contester l’imputabilité des conséquences financières de la maladie professionnelle sur son compte employeur, lorsque la victime n’a pas été exposée au risque à son service. Il revient ensuite à la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) de prouver que la victime a bien été exposée chez lui.
Selon la jurisprudence, en cas de succession d’employeurs, la maladie professionnelle dont est atteint le salarié est présumée trouver son origine dans l’activité professionnelle développée auprès du dernier employeur chez lequel il a été exposé au risque avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur de rapporter la preuve contraire (Civ. 2e, 22 nov. 2005, n° 04-11.447, n° 1771 F- P+B ; Soc. 6 janv. 2022, n° 20-13.690 F-B).
Par ailleurs, lorsque la victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d’entreprises différentes sans qu’il soit possible de déterminer celle dans laquelle l’exposition au risque a provoqué la maladie, les dépenses afférentes sont inscrites à un compte spécial (CSS, art. D. 242-6-5 et art. D. 242-6-7).L’imputation des conséquences financières au compte du dernier employeur
Dans cette affaire, un salarié, engagé en tant qu’agent technique d’entretien, a déclaré une affection professionnelle consécutive à l’inhalation de poussières d’amiante. La Carsat l’a prise en charge au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles. La caisse a ensuite imputé au compte de l’employeur les dépenses afférentes à cette maladie.
L’entreprise a alors saisi d’un recours la juridiction de la tarification en demandant leur retrait de ce compte et l’inscription de ces dépenses au compte spécial. L’employeur faisait valoir que le salarié n’avait pas été exposé au risque d’inhalation de poussières d’amiante au sein de la société et que la maladie ne pouvait donc résulter que d’une exposition au risque pour le compte de précédents employeurs. Et ainsi, que les coûts consécutifs à une maladie professionnelle ne pouvaient être imputés au compte employeur d’un établissement que s’il est établi que le salarié y a été exposé.
La cour d’appel ne fait pas droit à la demande de l’employeur. Elle estime que si la société affirme que le salarié n’a pu être exposé chez elle, elle ne justifie pas avoir contesté la prise en charge de la pathologie devant les juridictions du contentieux général, et que l’exposition est présumée dans le cadre du contentieux de la tarification. De sorte, qu’elle a refusé de rechercher si la victime avait effectivement été exposée au risque de la maladie professionnelle au sein de l’établissement.La charge de la preuve pèse sur la Carsat
La Cour de cassation rappelle les textes applicables dans un long visa. Elle en dégage les principes suivants : « la maladie professionnelle est présumée contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire. Il appartient, alors, à l’employeur qui demande l’inscription au compte spécial des dépenses afférentes à cette maladie de rapporter la preuve que l’affection déclarée par la victime est imputable aux conditions de travail au sein des établissements des entreprises différentes qui l’ont employée, sans qu’il soit possible de déterminer celle dans laquelle l’exposition au risque a provoqué la maladie ».
Elle rappelle également que le défaut d’imputabilité à l’employeur de la maladie professionnelle qui n’a pas été contractée à son service n’est pas sanctionné par l’inopposabilité de la décision de prise en charge. Ainsi, l’employeur ne peut pas solliciter l’inopposabilité de la décision de la caisse en invoquant le fait que la pathologie est apparue à une époque où la victime n’était pas son salarié. Toutefois, l’employeur peut contester cette imputabilité si sa faute inexcusable est recherchée ou si les conséquences financières de la maladie sont inscrites à son compte accidents du travail et maladies professionnelles (Civ. 2e, 17 mars 2022, n° 20-19.294, n° 277 FS-B).
Dès lors, la deuxième chambre civile décide que, sans préjudice d’une demande d’inscription au compte spécial, l’employeur peut solliciter le retrait de son compte les dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n’a pas été exposée au risque à son service. En cas de contestation devant la juridiction de la tarification, c’est à la Carsat qui a inscrit les dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque chez celui-ci.
Elle estime donc que la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et censure ainsi sa décision.
Pour la Cour de cassation, en cas de maladie professionnelle contractée en présence d’une succession d’employeurs, le dernier employeur sur qui pèse la présomption peut contester l’imputabilité de la décision d’inscription à son compte employeur des conséquences financières de la maladie professionnelle, lorsque la victime n’a pas été exposée au risque à son service. Dans le cadre de cette contestation, c’est à la Carsat qu’il revient de prouver que la victime a bien été exposée chez ce dernier employeur. Virginie Guillemain