Plusieurs études européennes constatent une augmentation du nombre de travailleurs concernés par la souffrance psychique en lien avec le travail pendant la dernière décennie. EUROGIP a consacré sa dernière étude à la question de la reconnaissance du caractère professionnel des maladies psychiques en Europe.
Un rapport récent d’EUROGIP s’intéresse notamment aux troubles psychiques liés à des risques psychosociaux (ceux causés par des substances toxiques, notamment les solvants, sont exclus) et aux cinq pays qui reconnaissent les troubles psychiques en maladies professionnelles (Danemark, Espagne, France, Italie, Suède) ainsi qu’à l’Allemagne et la Belgique où des informations sur la reconnaissance en accidents du travail sont disponibles.Troubles psychiques et accidents du travail
Une position identique de reconnaissance du trouble psychique en accident du travail pour les pays européens
Dans plusieurs pays d’Europe, les troubles psychiques sont pris en charge au titre du risque accident du travail (AT). EUROGIP indique que les pays ont une position identique sur le sujet: il est nécessaire qu’un évènement inattendu, de courte durée et traumatisant soit à l’origine du trouble psychique.
La quantification des AT en la matière n’est pas évidente car les publications statistiques ne permettent pas d’isoler les troubles psychiques. Une estimation chiffrée est possible au travers d’un agent de déviation, la violence. Par exemple, en Allemagne, dans le rapport annuel 2021 sur les AT, 13 369 avec plus de 3 jours d’arrêt sont causés par des actes de violence, agressions, menaces et surprises.
En Belgique, un choc psychologique peut être reconnu en AT. Pour 2021, 1 095 cas de « chocs » ont ainsi été reconnus pour le secteur privé.
Au Danemark, le syndrome de stress-post-traumatique est reconnu comme un AT si l’exposition a duré au maximum 5 jours. Au-delà, la reconnaissance est possible en maladie professionnelle (MP).
Le rapport statistique espagnol fait état en 2021 de 5640 cas de dommages psychologiques dus à des agressions ou des menaces.
En France, selon l’Assurance Maladie-Risque professionnels, plus de 10 000 affections psychiques sont reconnues en AT pour le secteur privé. Il y a aussi 10 000 autres cas dont les circonstances décrites dans le certificat médical initial ou dans la déclaration d’AT rédigée par l’employeur s’apparentent à celles des affectations psychiques prises en charge en AT, sans se solder formellement par un trouble psychique.
En Italie, les statistiques ne permettent pas d’évaluer le nombre d’AT liés à des risques psychosociaux, mais la littérature semble indiquer qu’une telle reconnaissance est rare dans ce pays.
La Suède reconnait les troubles psychiques en AT et MP mais les statistiques ne permettent pas de distinguer les deux par type de lésion.
Le cas particulier du suicide
Les cas de suicide ont progressivement été reconnus comme AT dans plusieurs pays. Le périmètre de la reconnaissance est toutefois fonction de la définition nationale de l’accident du travail et du raisonnement juridique développé par la jurisprudence de chaque pays.
Ainsi, en France, le suicide est appréhendé comme un accident du travail « classique »: s’il a lieu au temps et au lieu de travail, le suicide bénéficie d’une présomption d’origine professionnelle, à moins que l’employeur ne démontre une cause totalement étrangère au travail.
A contrario, la Finlande exclut strictement une quelconque reconnaissance du suicide comme AT, le fait de se donner la mort étant un acte volontaire qui, de ce fait, n’entre pas dans la définition de l’accident.
Dans plusieurs pays, le suicide sera reconnu comme AT uniquement s’il y a un lien avec l’exécution du contrat de travail et si le travailleur n’a pas agi de manière rationnelle et intentionnelle. C’est le cas en Belgique et en Espagne par exemple.
En Allemagne, dans la mesure où la notion d’accident implique un côté involontaire, le suicide étant une mort volontaire, il ne peut pas en principe être reconnu comme un AT. Ce n’est que si des circonstances internes à l’entreprise ont contribué de façon essentielle au fait que la victime ne disposait plus de toute de sa volonté ou si ces circonstances ont de façon essentielle conduit à la décision de se suicider, que le suicide pourra être considéré comme une suite indirecte d’un AT ou d’une MP.
De même, en Italie, le suicide sera reconnu comme un AT seulement s’il apparait comme la conséquence d’un fait générateur lui-même qualifié ou qualifiable d’AT ou de MP.La reconnaissance en maladie professionnelle
Le Danemark est le seul pays où les troubles mentaux figurent sur une liste de maladies professionnelles. Deux pathologies psychiques sont ainsi inscrites : les cas de troubles de stress post-traumatique après une exposition de plus ou moins longue durée et la dépression après participation à des faits de guerre. La reconnaissance des troubles psychiques hors liste est également possible dans ce pays.
D’ailleurs, dans les autres pays européens, une reconnaissance est possible mais seulement en passant par un système hors liste des MP, ce qui est notamment le cas en France.
Le taux moyen de reconnaissance en MP des pathologies psychiques diffère d’un pays à l’autre: il se situe autour de 7 % au Danemark, 50 % en France, entre 5 et 11 % selon les années en Italie et 45% pour la Suède.
Remarque: au Danemark, le taux de reconnaissance est élevé (entre 80 et 95 % ces 5 dernières années) lorsque la pathologie est instruire au titre du système hors-liste, et faible dans les cas des pathologies listées en tant que MP (autour de 2%). Les demandes correspondant aux deux pathologies listées correspondant à environ 95 % du total des demandes de reconnaissance en MP des troubles, on comprend le faible taux total de reconnaissance du pays. |
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Claire Touffait