C’est ce qui ressort de l’enquête SUMER relative à la surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels de 2017. Les salariés les plus concernés sont les hommes, les jeunes, les ouvriers, les salariés du secteur de la construction et ceux des établissements de petite taille.
La Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (DARES) vient de publier les résultats de la cinquième enquête sur la surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels sur les années 2016-2017, dite enquête SUMER.
Précision : les enquêtes Sumer visent à surveiller l’exposition des salariés aux risques professionnels. Les objectifs sont de décrire l’ensemble des expositions liées aux postes de travail (ambiances et contraintes physiques, contraintes organisationnelles et relationnelles, agents biologiques ou produits chimiques) auxquelles sont soumis les salariés, et caractériser ces expositions (durée et intensité), de décrire les pratiques de prévention et les protections collectives ou individuelles mises en place par les entreprises, de questionner le salarié sur son vécu de sa situation de travail (risques psychosociaux, santé perçue, etc.), d’évaluer l’évolution dans le temps des principales expositions, et de contribuer à éclairer les priorités en matière de prévention des risques professionnels. Pour mémoire, quatre enquêtes Sumer ont déjà eu lieu : 1987 à titre expérimental, 1994, 2003 et en 2010. |
Il en ressort qu’en 2017 en moyenne, au regard des éléments relevés par le médecin du travail au cours de la dernière semaine de travail du salarié :
- 32 % des salariés, soit 8 millions de salariés, ont été exposés à au moins un produit chimique ;
- 11 % des salariés, soit 2,7 millions de personnes, ont été exposés à au moins un produit chimique cancérogène ;
- 2 % des salariés, soit 500 000 mille personnes, ont été exposés à au moins trois produits chimiques cancérogène.
Remarque : cette méthode conduit toutefois à sous-évaluer le nombre de salariés dont les expositions sont liées à des activités ponctuelles ou irrégulières, qui ont moins de chances d’avoir eu lieu au cours de cette période que les activités régulières. |
Produits chimiques les plus rencontrés
L’enquête portait sur les expositions des salariés à 94 produits chimiques, dont 28 sont classés cancérogènes.
Sont ici considérées comme cancérogènes les substances classées cancérogènes par le CIRC en groupe 1 et 2A ou par l’Union Européenne en catégorie 1A et 1B afin de brasser le maximum de produits chimiques. En effet, chaque classification ne liste pas de manière identique les produits chimiques cancérogènes : ainsi les gaz d’échappement diesel, le plomb et ses dérivés ne figurent pas dans la liste de l’UE. De plus certains intitulés du questionnaire de l’enquête Sumer portent sur des familles de produits et non sur des produits chimiques, ce qui ne correspond pas systématiquement aux intitulés de la liste du CIRC ou de l’UE. Ainsi des choix ont été opérés et par exemple une famille de produits chimiques est considérée comme cancérogène quand la majorité des produits qui la compose sont classés comme cancérogènes : les expositions sont alors en partie surestimées (exemple : huiles minérales entières ou pour les amines aromatiques).
Les cinq produits chimiques cancérogènes auxquels les salariés sont les plus exposés en 2017 sont, par ordre décroissant :
- les gaz d’échappement diesel, qui sont les produits cancérogènes les plus fréquents au travail avec une exposition de 995 100 salariés ;
- les fumées de soudage : 528 700 salariés ;
- les huiles minérales entières : 497 100 salariés ;
- les poussières de bois : 444 200 salariés ;
- et la silice cristalline , qui est toujours présente avec une exposition de 358 400 salariés. Ce sont surtout des hommes, ouvriers qualifiés et non qualifiés, travaillant dans la construction.
► Lire aussi : Silice cristalline : encore plus de salariés exposés que ce que l’on pensait
A noter également que le formaldéhyde (7ème position) est présent dans de nombreux secteurs car il est utilisé notamment dans la fabrication de certaines résines (industrie du bois, du papier, de la construction, etc.) et comme désinfectant en milieu de soins. Il peut provoquer l’apparition de cancers naso-pharyngés, en cas d’exposition longue et intense. Sept salariés exposés sur dix travaillent dans le secteur privé. Sont surtout concernées les activités de commerce et de service (5,5 % de salariés exposés), et de la santé (1,6 %). Pour ce produit chimique, les femmes sont autant exposées que les hommes.
De plus, selon l’enquête, les expositions à l’amiante (9ème position) sont parmi les plus dangereuses, les hommes, les ouvriers qualifiés et les salariés travaillant dans la construction étant les plus concernés. Certains sont des professionnels du retrait de l’amiante (déflocage, décalorifugeage…) et d’autres, plus nombreux, ont une exposition ponctuelle lors de rénovations de bâtiments (électriciens, plombiers, couvreurs…).
Catégories de travailleurs les plus concernés
Il ressort des résultats de l’enquête SUMER que :
- 9 salariés sur 10 exposés à au moins un agent chimique cancérogène sont des hommes ;
- la part de salariés exposés décroît avec l’âge : elle est supérieure ou égale à 12 % pour les moins de 39 ans, alors qu’elle est de 8 % pour ceux de 60 ans ou plus ;
- les intérimaires et les agents à statuts (Sncf, industries électriques et gazières, etc.) sont particulièrement touchés (respectivement 20 % et 17 %) ;
- plus des deux tiers des salariés exposés à au moins un agent cancérogène chimique sont des ouvriers alors qu’ils ne constituent que 29 % de l’ensemble des salariés. Les ouvriers qualifiés sont davantage exposés que les non qualifiés (35 % contre 17 %) ;
- parmi les quatre grands secteurs d’activité, celui de la construction est le plus concerné, avec 36 % de ses salariés exposés, suivi de l’industrie (18 %), de l’agriculture (12 %) puis du tertiaire (8 %) ;
- les salariés des petits établissements (moins de 10 salariés) sont plus fréquemment exposés à au moins un produit chimique cancérogène (13 %, contre 9 % dans les établissements de 200 à 499 salariés).
Quid du défaut de protection collective contre les expositions
Une des lacunes pointée par les résultats de l’enquête est l’absence de mise en place de protection collective pour éviter l’exposition des salariés aux produits chimiques. En moyenne dans 48 % des cas il n’y en a pas !
C’est dans les établissements de moins de 10 salariés que cela pêche le plus, avec un défaut de protection collective mise à disposition dans 56 % des situations d’exposition. Des chiffres alarmants au regard des risques que peuvent présenter les produits chimiques pour la santé.
Remarque : la protection collective est une des mesures de prévention faisant partie des 9 principes généraux de prévention (C. trav., art. L.4121-2). L’employeur doit en priorité mettre en place des protections collectives contre le risque et si cela n’est pas possible, il devra fournir des équipements de protection individuelle (EPI) adaptés. Concernant les risques chimiques, les installations de protection collective peuvent prendre plusieurs formes : système clos de travail, ventilation et assainissement de l’air, encoffrement total ou partiel, mécanisation de certaines tâches, et prise de mesures organisationnelles (par exemple la restriction de l’accès aux locaux, la limitation du temps de travail par poste soumis à exposition, ou encore la gestion des déchets). |
La DARES précise également que les politiques formalisées de prévention sont moins développées dans les petits établissements que dans les grands, faute de moyens.
Anne-Laure Tulpain, Code permanent Environnement et nuisances