10/09/2015
L’article 26 de la loi n°2015-994 du 17 août 2015, dite Loi Rebsamen, a modifié la procédure dans le cas où un salarié serait déclaré inapte par le médecin du travail. Cet article précise notamment que le salarié « peut […] rompre le contrat de travail si l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé. »
Au regard des anciennes dispositions légales, lorsqu’un salarié se voyait délivrer un avis d’inaptitude par le médecin du travail, l’employeur avait une obligation de reclassement. Ce dernier devait proposer un autre emploi avant toute procédure de licenciement au salarié déclaré inapte. Cette obligation de recherches de reclassement s’imposait y compris lorsque le médecin du travail précisait dans son avis que le salarié était inapte à tout emploi. (Soc., 1er février 2012, n°10-23.500 ; soc. 21 mars 2012, n°10-15.454) L’employeur avait en la matière une obligation de moyen renforcée c’est-à-dire que c’était à lui de prouver qu’il avait mis en œuvre « toutes les mesures à sa disposition telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail au sein de l’entreprise ou du groupe. » (CA Grenoble, ch. Soc., 24 octobre 2010, n°11/04016)
A présent, suite à la modification de l’article L.1226-12, l’employeur peut rompre le contrat de travail sans avoir à rechercher de possibilités de reclassement, sous réserve que l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé.
Une présomption d’impossibilité de reclassement pour l’employeur
Cette évolution législative laisse cependant quelques incertitudes quant à la question du reclassement des salariés. En effet, cette mention fait naître une présomption d’impossibilité de reclassement en faveur de l’employeur. Mais quelle est l’étendue de cette présomption : s’applique –t‘elle aux entreprises appartenant à un groupe ? Auparavant, les possibilités de reclassement devaient être recherchées à l’intérieur du groupe parmi les seules entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettaient d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel (Soc., 21 novembre 2012, n°11-23303), y compris dans les GIE (Soc., 9 juin 2010, n°09-10.600) et les entreprises relevant de la même franchise (Soc., 25 mai 2011, n°10-14.897 F-D). Sur ce point le texte n’apporte pas de réponse. A défaut de position tranchée, il semble judicieux d’appliquer les dispositions les plus favorables au salarié en formulant des propositions de reclassement au sein des autres structures.
Par ailleurs, ce nouvel article ne remet pas en cause l’obligation de reclassement lorsque le médecin du travail déclare le salarié inapte à tout poste. Ainsi, la procédure à respecter pour tout autre motif d’inaptitude demeure (à savoir la consultation des délégués du personnel, le suivi des recommandations du médecin du travail, à défaut de reclassement possible le licenciement pour inaptitude…)
Dans les deux cas, la conséquence sera un licenciement pour inaptitude, mais avec un motif différent. Pour l’un, impossibilité de reclassement, pour l’autre, le maintien dangereux pour la santé du salarié
Le rôle du médecin du travail renforcé
Cette nouvelle disposition législative semble aussi renforcer le rôle du médecin du travail e. Celui-ci doit veiller à ce que la santé des salariés ne soit pas altérée par leur travail. Mais il doit aussi assurer le maintien du salarié en poste. Désormais, on lui demande de décider du licenciement d’un salarié à la suite d’une visite médicale. En effet, dès lors que la mention prévue par l’article L. 1226-12 sera portée sur un avis il emportera automatique une décision de licenciement. C’est un poids considérable pesant sur les médecins du travail qui préféreront déclarer le salarié inapte à tous postes dans l’entreprise faisant porter la décision de licenciement sur l’employeur.
Ce nouvel article soulève des questionnements qu’il reviendra à la jurisprudence de trancher. Il est vrai qu’il est toujours possible aux employeurs de contester un avis portant cette mention.