La Cour de cassation étend le préjudice d’anxiété
Dans les préjudices liès au contact prolongé avec l’amiante, le préjudice d’anxiété est en cours d’évolution. Dans le cas de l’amiante, la Cour de cassation s’est prononcée ce 5 avril 2019 sur le préjudice d’anxiété. Après la plaidoirie de l’avocate générale pour un assouplissement de la jurisprudence le 22 mars dernier, tous les salariés exposés à l’amiante peuvent désormais demander la réparation d’un «préjudice d’anxiété». Auparavant, seuls ceux qui avaient travaillé dans certains établissement considérés à risque pouvaient prétendre à une indemnisation liée à ce préjudice.
Que représente le préjudice d’anxiété dans le cas d’une exposition à l’amiante ?
Le préjudice d’anxiété est un préjudice moral en droit civil français. Il s’agit généralement d’une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie.
Ce préjudice ne peut être rapproché de l’infraction pénale de « mise en danger d’autrui » (art. 223-1 du code pénal). En effet, le préjudice ne résulte pas d’un risque de dommage physique corporel mais du préjudice moral. Ce n’est pas le risque de déclaration de la maladie qui est réparé mais la situation d’inquiétude permanente générée par ce risque.
Une évolution juridique du préjudice d’anxiété en évolution
Le principe de reconnaissance du préjudice d’anxiété a été posé par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, le 11 mai 2010 :
« les salariés qui avaient travaillé dans un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y était fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante, se trouvaient par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ».
A partir de quand le préjudice d’anxiété liè à l’amiante peut-il intervenir ?
Dans la configuration précédente, le préjudice d’anxiété n’intervenait qu’à partir du moment où le salarié est informé que l’entreprise dans laquelle il travaille ou il a travaillé est inscrite sur la liste établie, selon la loi de 1998. La simple présence de l’entreprise sur cette liste suffisait à prouver que le salarié peut prétendre à être indemnisé au titre du préjudice d’anxiété.
La position des sous-traitants
Dans ce contexte législatif, seuls les salariés sont concernés par le préjudices d’anxiété, et sont exclus les sous-traitants. Mais en 2018, la cour d’Appel de Paris a accordé, malgré la jurisprudence en place, 10 000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice d’anxiété à 108 salariés de centrales thermiques d’EDF qui ne sont pas classées sur la liste dite préretraite amiante.
Réfutant ce jugement, EDF s’est pourvu en cassation, et dans ce cadre, l’avocate générale a plaidé, le 22 mars dernier, pour un infléchissement de la jurisprudence, en arguant « qu’il n’est plus possible de neutraliser l’obligation de sécurité » des employeurs qui ne sont pas classés sur la liste.
Signification du verdict
Le verdict rendu ce vendredi 05 avril 2019 représente un nouvel espoir pour l’ensemble des travailleurs, exposés à l’amiante, mais dont les entreprises n’étaient pas inscrites sur la liste ; ces derniers vont pouvoir faire appel à la justice, et prétendre à une indemnisation. Ce verdict reste une avancée pour ces travailleurs et travailleuses exposés à l’amiante, même si les procédures juridiques resteront longues, dans la mesure où cela restera à leur charge d’apporter la preuve d’une exposition à l’amiante, contrairement aux salariés dont l’entreprise figure sur la liste.
Informations complémentaires : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/communiques_presse_8004/anxiete_lie_9227/etend_indemnisation_41965.html