Le rapport Frimat sur la prévention et la traçabilité du risque chimique est une initiative qui était attendue après la correction du dispositif pénibilité. Les principales recommandations du rapport sont commentées dans cet article.
Décidément, la rentrée est riche en rapports sur la santé au travail. En effet après la remise du rapport de la Députée Lecocq commenté ce mois-ci également dans notre blog, il est question cette fois ci de celui rédigé par Paul Frimat, professeur de médecine du travail à Lille. Le rapport de Monsieur Frimat porte sur la prévention des expositions des salariés aux agents chimiques dangereux (ACD). Ses vingt-trois propositions sont en effet bien différentes de celles proposées dans le rapport de la mission Lecocq-Dupuis-Forest relatif à l’organisation de la prévention des risques professionnels. Si celle-ci privilégie d’avantage l’accompagnement des entreprises et des organisations, Paul Frimat préconise lui de mieux faire respecter la réglementation en proposant entre autre de distribuer des amendes administratives pour les employeurs qui ne respecteraient pas leurs obligations vis-à-vis de leur gestion du risque chimique, et même d’étendre l’arrêt temporaire d’activité par l’Inspection du travail à l’utilisation de certains ACD, en cas de manquement grave.
Une réponse aux critiques sur l’allègement du nouveau dispositif pénibilité
Ce rapport a été commandé à Paul Frimat par le ministère du Travail et de la Santé suite aux critiques formulées à l’égard du retrait du risque chimique du compte professionnel de prévention de la pénibilité (C3P). Dans le cadre des ordonnances du Président Macron, le gouvernement avait en effet exclu le facteur d’exposition aux ACD du nouveau dispositif, en le recentrant sur 6 facteurs d’exposition plus facilement évaluables à priori pour les entreprises.
Paul Frimat devait argumenter autour de trois questions :
- Comment améliorer la prévention de l’exposition des travailleurs aux ACD ?
- S’agissant de la traçabilité, comment opérer un suivi de l’exposition des salariés aux agents chimiques dangereux ?
- Enfin, concernant la compensation, comment assurer la prise en compte des spécificités des agents chimiques dangereux dans les règles d’indemnisation ?
Les enjeux sont importants sur ce dossier car, comme le rappelle très bien le rapport, un tiers des salariés en France a été exposé à au moins un ACD au cours de la semaine précédant la dernière enquête relative à la surveillance médicale des expositions aux risques professionnels (Sumer). Et un salarié sur dix l’a été à au moins un ACD CMR.
Des mesures engageantes et contraignantes alourdissant sensiblement les obligations des employeurs
Les premières recommandations visent donc à améliorer la prévention, de l’exposition des salariés au risque chimique. Paul Frimat recommande par exemple de mettre à jour la liste des travaux interdits aux salariés des ETT et CDD du fait de l’exposition à certains ACD, afin de la rendre la plus complète possible. Il propose également d’aller au-delà du seul respect des valeurs limites d’exposition (VLE) prévues pour certaines substances, en ajoutant au mesurage atmosphérique le suivi de données bio métrologiques chez les salariés. Paul Frimat évoque également la généralisation d’un système de bonus-malus sur la cotisation versée par les employeurs à la branche risques professionnels de l’assurance maladie. Le renforcement de la recherche, comme de la sensibilisation et de la formation des acteurs sont également mis en avant. Avec une idée inédite : donner aux entreprises des repères en matière d’exposition dans le même secteur d’activité, de façon à ce qu’elles puissent mesurer l’efficacité de leur politique opérationnelle de prévention. Enfin, un dispositif de taxation des ACD les plus dangereux, dans l’objectif de financer la toxicovigilance et la recherche, est aussi annoncé.
La traçabilité et le partage des données
En matière de traçabilité, le rapport propose d’assurer d’une meilleure manière la conservation des documents uniques d’évaluation des risques réalisés par les employeurs, et d’en extraire les éléments utiles sur le risque chimique afin de les transmettre aux services de santé au travail (SST). En parallèle, il préconise de créer un dossier numérique pour chaque entreprise, géré par les SST et pouvant être partagé entre eux, compilant toutes les données collectives relatives aux expositions aux ACD. En ce qui concerne le suivi individuel, le transfert de données sur ce type d’exposition du dossier médical en santé au travail (DMST) vers le dossier médical personnel (DMP) est envisagé, afin de faciliter une prise en charge coordonnée entre médecin du travail et médecin traitant. Les dernières préconisations ont pour objectif de permettre aux salariés de mieux faire valoir leurs droits en termes de compensation et d’indemnisation. L’abondement du compte personnel de formation en cas d’exposition à des ACD sur une certaine durée est recommandé, en vue d’une reconversion, ainsi qu’un droit à la retraite anticipée pour les salariés atteints d’une maladie professionnelle. Le rapport propose aussi de renforcer l’accompagnement des salariés victimes d’allergies ou de syndromes d’hypersensibilité suite à l’exposition à des ACD, en vue de leur maintien dans l’emploi.
Et maintenant, au gouvernement d’agir ?
Reste à savoir ce que le gouvernement retiendra de toutes ces recommandations, compte tenu qu’elles ne s’inscrivent pas exactement dans la même lignée que celles formulées par le rapport de la mission Lecocq
(Pour aller plus loin > Télécharger le rapport Frimat)